Sylvie Quesemand Zucca, avant-propos de Xavier Emmanuelli. Paru le 2 septembre2024
Ce livre est une réflexion sur les enfants et adolescents nés avec la révolution numérique du 21eme siècle.
Que perçoivent-ils d’un monde adulte chaque jour plus connecté, dans lequel ils vivent depuis leur naissance ?
Quelles sont les effets sur leur développement psychomoteur d’une surconsommation de flux d’images et de sons, dès lors que n’existe pas d’interactions ni de limites suffisantes avec des adultes capables de les aider à développer un esprit critique sur l’origine des images, les pièges de l’anonymat, les risques d’emprise ?
Dans nombre de pays, depuis plus d’une décennie et encore plus depuis les confinements, on observe une aggravation des mal- être psychiques chez des enfants de plus en plus jeunes : troubles du spectre autistique, dépressions, tentatives de suicide, etc. Si les écrans ne sont pas directement responsables de ces aggravations, on peut par contre affirmer que la vie par écran interposé dès le plus jeune âge est inquiétante, témoin d’un environnement de plus en plus replié sur un individualisme déconnecté des surprises, apprentissages et joies d’une vie collective. Une vie d’enfant et adolescent dématérialisée, sans plus de frontière fixe entre réel, réalités virtuelles, vérités alternatives, un monde au sein duquel frustrations et interdits n’existent plus, signerait à coups sûrs l’aggravation et la démultiplication des violences, des déréalisations, addictions et symptômes psychiatriques chez de plus en plus jeunes citoyens du monde.
Mimétisme, fascination, « ressentis » faisant fonction de diagnostics en tous genres, vérités alternatives, complotismes, sont d’ores et déjà bel et bien au programme d’une manipulation des idées et des affects des plus jeunes. Et face aux risques de ce que j’ai appelé « mélancolisation de la vie numérique », sorte de tristesse atone perceptible chez trop de jeunes, il s’agit de remettre en place, à tous les niveaux, l’effort d’une transmission humaine vitalisée et créative– à côté des écrans, avec les écrans, sans les écrans. Dans tous les pays du monde, ce sont les enfants, adolescents et jeunes adultes des populations les plus défavorisées qui sont soumis aux plus grands risques d’addiction et de surexposition aux écrans : une nouvelle fracture sociale invisible se dessine, il faut aujourd’hui en prendre la mesure. L’inquiétude est mondiale, mais il existe des solutions, qui se dessinent ici et là. Il convient de redonner toute sa place au langage, au temps, à l’altérité, aux jeux, au monde infiniment riche des perceptions, à l’imaginaire - seuls garants d’une appropriation symbolique d’une place dans la vie réelle.
Les enfants le disent et le demandent eux- mêmes : parlons et jouons plus, parents, fermez les portables : c’est par le biais de l’association « des Transmetteurs que j’ai pu entrer en lien avec écoliers et collégiens, dans le cadre d’atelier sur les écrans, et qui m’ont eux aussi donné leur appréciation sur ce sujet si actuel . Merci les Transmetteurs !
Sylvie Zucca, psychiatre psychanalyste, auteur de « Je vous salis ma rue- clinique de la désocialisation » Stock 2007, et de nombreux articles autour des effets psychiques de la vie en grande précarité, ainsi qu’une longue pratique clinique avec des adolescents et enfants.
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